…comme la neige doit neiger sur la rive!
«Le songe épouse la forme d’un soupir emprisonné dans la glace; il gît quelque part entre la surface blanche et la profondeur noire : "tous les étangs gisent gelés, mon âme est noire". La correspondance s’établit brutalement entre le paysage d’hiver et l’hiver de l’âme.
Le rêve est triplement entravé : par la neige, la vitre et la douleur… La vitre fascine le regard, invite au voyage et, en même temps, établit une barrière transparente entre le dedans et le dehors.» (Paul Wyczynski, Écrivains canadiens d’aujourd’hui, Fides 1967, p.58)
Nelligan étant né un 24 décembre, lui est-il parfois arrivé, un matin d’anniversaire, penché sur sa fenêtre givrée avec vue sur la grisaille de Montréal, d’avoir une pensée nostalgique pour son Cacouna d’aventures? On ne peut en douter. D’ailleurs certains soirs de décembre, n’est-ce pas sa voix qu’on entend, portée par le vent d’ouest, et qui, à travers la brise, murmure ces mots :
«Ah! Que l’hiver vienne et passe… L’hiver noir de la ville… Comme l’hiver doit être blanc dans ces champs, comme la neige doit frissonner sous les gelées, comme la neige doit neiger sur la rive!» (Yvan Roy Nelligan à Cacouna, p.182)
Source photo : Plage de Cacouna, photo Yvan Roy, hiver 2007