Selon les biographes de Félix Leclerc, celui-ci séjourna pendant quelques mois à Saint-Jovite, à l’hiver 1942-1943, après son mariage avec Andrée Vien. À cette époque, le jeune homme de La Tuque n’ambitionne pas de faire carrière dans la chanson : c’est dans le théâtre et la littérature qu’il investit toute son énergie créatrice. Il écrit des contes et des pièces de théâtre pour la radio de Radio-Canada; membre de la troupe des Compagnons de Saint-Laurent, il joue aussi dans certains radioromans (il interprète notamment le personnage de Florent Chevron dans Un homme et son péché), et il lui arrive d’interpréter en ondes l’une des chansons qu’il a composées.
On peut croire que c’est son séjour à Saint-Jovite qui inspira à Félix Leclerc Le train du Nord. Chose certaine, c’est bien du célèbre train de la ligne Montréal – Mont-Laurier dont il est question dans cette chanson, l’une des premières qu’il a composées. En 1948, Le train du Nord fait partie des six chansons qu’il interprète pendant les changements de décor de sa pièce Le p’tit bonheur, présentée à Vaudreuil, Rigaud et Saint-Jérôme. Félix Leclerc l’interprète aussi en 1950 devant l’impresario français Jacques Canetti, qui lui offre aussitôt un contrat pour venir chanter à Paris. Le succès est immédiat, la gloire aussi. Le train du Nord se retrouve, avec La Gigue, sur un 78 tours sur étiquette Polydor que les Français s’arrachent, séduits par la poésie simple et imagée du « Canadien ».
Faut-il voir dans ce train du Nord qui a perdu l’Nord une simple fantaisie onirique? La métaphore d’un Québec qui vire en rond? La question reste ouverte…
© Photo : Bibliothèque et Archives nationales du Québec, Vieux-Montréal, Antoine Désilets.