L'industrie ferroviaire à Charny

Là où tout commence


Une situation géographique favorable

Le positionnement géographique de Charny favorisera l’implantation d’installations ferroviaires. La rivière Chaudière est un site parfait pour y établir une prise d’eau (carburant pour les locomotives à vapeur). Les bords escarpés de la rivière peuvent fournir la pierre utilisée pour le lit sur lequel reposent les rails. Son relief plutôt plat favorise le développement d’installations.

Ainsi, l’Intercolonial va y établir une vaste cour de triage avec une vingtaine de voies, des hangars, des ateliers de réparation de locomotives et une gare. Charny devient alors l’un des plus importants noyaux ferroviaires de l’est du Canada. La cour de triage Joffre deviendra, au fil des ans, le principal lieu de transbordement des marchandises et de réparation entre Montréal et Moncton.

Photo : Atelier de réparation des wagons à West Junction, vers 1890

Crédit : Archives Ville de Lévis, don de Herbert Parsons

La gare

En 1879, à la jonction des voies des compagnies Intercolonial et Grand Tronc, une grande gare est édifiée. Elle comprend deux salles d’attente pour les voyageurs (une pour les femmes et une pour les hommes), un restaurant/tabagie, un entrepôt, le comptoir pour la vente des billets, un bureau pour les employés et le télégraphiste. À l’étage, on y trouvait les bureaux du surintendant de la division et ses assistants, la résidence pour le chef de gare et sa famille et enfin une salle communautaire qui servira de chapelle pendant quelques mois en 1902 et 1903.

La gare sera modifiée en1960 : l’étage supérieur est enlevé et ses dimensions sont réduites. Une nouvelle rénovation dans les années 1980 lui donne son aspect actuel.


Photo : Gare de Chaudièr Curve (de Charny) vers 1890

Crédit : Archives Ville de Lévis, Fonds Jocelyn Huard

Ville champignon

Avec l’apparition du chemin de fer survient l’arrivée de travailleurs et leurs familles. Les cultivateurs qui étaient déjà établis avant l’arrivée des trains commencent à louer ou à vendre des emplacements, mettant ainsi en valeur leur terrain peu propice à la culture. Une dizaine de maisons sont construites à West Junction, près de la rivière, et quelques-unes près de la gare actuelle en 1883. Entre 1903 et 1909, la population augmentera de 140 % (445 à 1 310 habitants) et atteindra 2 087 en 1919. Environ 150 maisons seront construites durant cette période. La population de Charny croit d’année en année et connaît un second accroissement démographique sans précédent avec l’ouverture du pont Pierre-Laporte en 1970 : elle passe de 4 969 habitants en 1969 à plus de 7 200 en 1978.

Photo: Carte de Notre-Dame de Charny (Chaudière Curve) Sept. 1909

Crédit: BAnQ

La Rotonde

La première partie de la rotonde fut construite en 1880 et servait à la réparation et à l’inspection des wagons et locomotives. Elle fut agrandie en 1904 puis en 1921. Depuis sa construction, la rotonde de Charny n’a jamais cessé ses activités. Elle fait partie de l’inventaire des lieux historiques et nationaux du Canada depuis 1992 en raison de son caractère exceptionnel d’être la seule rotonde entièrement circulaire ayant subsisté au déclin de l’activité ferroviaire.

Toutes les portes de cet immense garage construit en rond convergent vers le centre du bâtiment où se trouve une plaque tournante. Cette plaque tourne pour diriger l’équipement à vérifier ou à réparer vers l’atelier requis.

En 1880, la travée de la plaque mesurait 65 pieds (19,8m). L’arrivée de locomotives plus grandes et plus puissantes a obligé d’allonger la travée à 85 pieds (25,9m).

Photo: Plaque tournante

Crédit: Coll. Claude Lavoix

Les réseaux ferroviaires

Du milieu du 19e siècle jusqu’au début du 20e, le développement du transport ferroviaire fut l’affaire de compagnies privées. Plusieurs de ces compagnies se rencontraient à Charny et repartaient ensuite soit vers l’est du Canada, soit vers Montréal et l’ouest du pays, soit vers la Beauce et les Cantons de l’Est pour se rendre aux États-Unis, soit pour traverser vers la Rive-Nord après la construction du pont de Québec.
 
Tout d’abord, il y eut le Grand Tronc puis arriva l’Intercolonial. Ensuite le National Transcontinental et le Quebec Central. On vit même le Chaudiere Valley Railway  mieux connu sous le nom du Chemin de fer des Breakey.

Au gré des achats et des fusions, plusieurs de ces compagnies formèrent le Canadien National Railway. Le Quebec Central fut acheté par le Canadien Pacifique et les Breakey cessèrent leur activité ferroviaire dans les années 1940.

Photo: Carte des réseaux ferroviaires à Charny

Crédit: Google Maps

Vitalité économique

Avec l’arrivée du chemin de fer, de nombreux services et commerces voient aussi le jour. Il faut rappeler que les employés du chemin de fer étaient bien rémunérés. En 1901, les salaires annuels des cheminots variaient entre 420 $ et 1 000 $. En comparaison, les employés des chantiers navals de Lévis gagnaient en moyenne 375 $ par année, ce qui représentait un salaire très convenable. En 1947, la moyenne annuelle au chemin de fer  tournait autour de 2 800 $ contre 1 538 $ pour la moyenne canadienne.

Déjà en 1933, une chambre de commerce est fondée. Commerçants, professionnels et entrepreneurs y adhèrent aussitôt. On y dénombre 147 membres.

En 1953, avec une population de 3 400 habitants, Charny comptait 122 commerces dont de nombreux hôtels et des maisons de chambres qui accueillaient les voyageurs et les travailleurs. De plus, un hôpital y était installé  depuis une vingtaine d’années.

Photo: Hôtel Tremblay (aujourd’hui 2464, chemin de Charny)

Crédit: BAnQ

Toutes sortes de voyageurs!

Dans les périodes difficiles, certains «jumpaient » les trains de marchandises (embarquaient clandestinement). Ils s’arrêtaient à Charny puisque tous les trains s’y arrêtaient. Il y en avait des nouveaux à tous les jours dans les années 1930-1940. Les familles de Charny leur donnaient à manger et les employés du chemin de fer leur indiquaient les trains à prendre pour atteindre leur destination.

Charny a reçu des voyageurs célèbres, dont le roi Georges VI et la reine Elizabeth qui ont fait un arrêt à la gare le 12 juin 1939. 

Sir Winston Churchill (premier ministre de la Grande-Bretagne) et Mackenzie King (premier ministre du Canada) descendirent à la gare de Charny le 10 août 1943. Une semaine plus tard, c’était au tour de Franklin D. Roosevelt (président des États-Unis). Ces trois hommes d’État allaient se rencontrer dans le cadre de La Conférence de Québec qui marqua un tournant dans les hostilités de la Deuxième Guerre mondiale.

Photo: Roi Georges VI et la princesse Elizabeth d’York recevant des fleurs présentées par Noémie et André Gilbert, enfants du Dr Gilbert

Crédit: Archives Ville de Lévis, Jean-Guy Robitaille, Coll. Bertrand Lacroix

Changement technologique et bouleversement social

Dans les années 1950, l’arrivée du moteur au diésel va chambarder le monde du travail ferroviaire.

Au temps de la vapeur, les trains roulaient à un maximum de 80 km/h en tirant de 50 à 70 wagons. Les nouvelles locomotives au diésel tirent alors jusqu’à 150 wagons à une vitesse de plus de 120 km/h. Leur autonomie est quintuplée. Le nombre d’employés nécessaires à leur fonctionnement et à leur entretien est considérablement réduit.

Entre 1955 et 1971, 37 000 employés perdent leur gagne-pain à travers tout le réseau canadien des chemins de fer. Charny n’y échappe pas. Le nombre d’emplois à la cour de triage Joffre passa de 1 400 en 1950 à 540 en 1969. Toutefois, le fait d’avoir cette installation sur son territoire lui permet de conserver son rôle de centre névralgique du transport ferroviaire dans l’est du Canada.

Photo: Locomotive au diésel, 1975.

Crédit: BAnQ

Quelques métiers

Le conducteur est le grand responsable de la bonne marche du train. Il s’assure que le personnel et le matériel sont conformes et pleinement opérationnels avant le départ du train. C’est lui qui reçoit les instructions sur la route à suivre et les manœuvres à faire (ordres de marche). Dans les trains de passagers, c’est lui qui prend les billets, répond aux questions et s’assure du confort et de la sécurité des voyageurs.

Il y a deux serre-freins (ou brakeman à Charny) à bord d’un train; un dans la locomotive et un dans le wagon de queue. Autrefois, ils devaient monter sur les wagons et y appliquer les freins avec leur seule force physique. Ils surveillent le train, l’inspectent à chaque arrêt, procèdent à l’accouplement ou découplement des wagons et tournent les aiguillages aux croisements.

Le cantonnier (ou trackman à Charny) est celui qui inspecte la voie ferrée, s’assure que les rails sont toujours parfaitement parallèles, répare tout défaut sur la voie et déblaye à la pelle ou au chasse-neige la voie et les aiguillages. Il travaille aussi sur les sites d’accidents.

Le chauffeur s’occupe de faire chauffer la chaudière en contrôlant le niveau de charbon et le feu à l’intérieur du fourneau de la locomotive. Il peut pelleter jusqu’à 20 tonnes de charbon par voyage!

Le mécanicien de locomotive(ou ingénieur à Charny) est celui qui conduit le train. Il a l’entière responsabilité de tout ce qui concerne la locomotive. Entre autres, il fait une partie de son entretien, connaît ses forces et ses faiblesses et évalue sa réaction au freinage par rapport au type de chargement.

Photo: Équipe de cheminots, 1920.

Crédit: Archives Ville de Lévis

Les Brotherhood

Les syndicats, nommés Brotherhood s’installèrent très tôt à Charny. Les métiers associés aux chemins de fer sont dangereux. Ainsi, le Brotherhood of Railroad Trainmen (pour les conducteurs, serre-freins, et hommes de cour) crée une section à Charny en 1888 dont le double but est de promouvoir les intérêts des travailleurs et leur fournir certaines assurances.

En 1907, c’est au tour de la Brotherhood of Locomotive Engineers (pour les mécaniciens de locomotive) de déménager à Charny. Ses premières rencontres se seraient tenues dans une salle du magasin général d’Emmanuel Rouhtier à West Junction. De nos jours, il s’agit d’un des plus grands syndicats de l’industrie ferroviaire.

Le syndicalisme fait des adeptes si bien qu’en 1953 on recense plus d’une vingtaine d’unions ouvrières distinctes à Charny. Elles s’occupent des intérêts de divers groupes de travailleurs des chemins de fer.

Photo: Magasin et résidence d'Emmanuel Routhier à West Junction

Crédit: Avis municipal fév. 2000

Un vocabulaire bien particulier

L’anglais est la langue qui prédomine dans le domaine ferroviaire et Charny n’y échappe pas. En fait, les Charnycois ne connaissent pas du tout la signification de bon nombre de mots qu’ils utilisent dans leur quotidien. Ils les répètent comme ils les entendent, donnant naissance à un vocabulaire bien particulier au monde ferroviaire.

En voici quelques exemples :

L’engin : mot dérivé de l’anglais engine signifiant une locomotive à vapeur.

La cabouse : mot dérivé de l’anglais caboose. C’est le wagon de queue des trains de marchandise dans lequel prenaient place le conducteur et le serre-frein.

L’ingénieur : mot dérivé de l’anglais engineer qui représente les mécaniciens de locomotive et non pas des ingénieurs comme dans la définition du terme en français.

La calvette : mot dérivé de culvert qui signifie ponceau ou maintenant viaduc.

Le curve : mot dérivé de curve qui signifie courbe.

Le dispatcheur : mot dérivé de dispatcher représentant l’employé responsable de  l’émissions des ordres de marche pour la régularisation du trafic ferroviaire.

Le braderoude : mot dérivé de Brotherhood qui représente l’union ou syndicat.

La station : mot dérivé de station qui est en fait un lieu d’arrêt entre deux gares, mais décrivant la gare.

Deadhead : (haut-le-pied en français) cette expression est utilisée à propos du personnel roulant des trains : un conducteur ou un accompagnateur de train haut-le-pied signifie qu’il effectue un déplacement en train, en bus ou en taxi sans exercer sa fonction.

Photo: Le serre-freins et le conducteur dans le wagon de queue (caboose)

Crédit: Don M. Pierre Fréchette

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Charny, chroniques d'une jonction | Circuit historique

Charny, chroniques d'une jonction | Circuit historique image circuit

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